jeudi 9 juin 2016

Moi, Marie, marquise de Sévigné

Théâtre Maxim’s
3, rue Royale
75008 Paris
Tel : 01 42 65 30 47
Métro : Concorde / Madeleine

Pièce de Pierre-André Hélène
Mise en scène par Théodora Mytakis
Avec Véronique Fourcaud

Jusqu'au 29 juin
Reprise en septembre

L’histoire : A l’hôtel Carnavalet, madame de Sévigné écrit… A sa fille, bien sûr, et pour cela, elle se remémore sa vie, ses bonheurs, ses difficultés, le monde, la cour… Elle est belle, veuve, courtisée mais n’a pas voulu succomber. Et surtout, sa fille la fuit en Provence… Comment survivre à cette séparation ? En écrivant… Ainsi, elle raconte, et nous raconte, une femme de son temps, évoquant le quotidien, les interrogations, les joies et les peines d’une vie au Grand siècle.

Mon avis : La Marquise de Sévigné nous fait le grand honneur de nous recevoir dans son salon de son hôtel Carnavalet, une exquise bonbonnière un peu kitsch, pour nous proposer une sorte de « compilation » de ses nombreuses lettres adressées à Françoise, sa fille adulée. Il faut savoir qu’elle lui écrivait trois fois par semaine (on en a recensé plus de mille !). Le choix de ces missives, qui ne pouvait donc qu’être éclectique, nous offre un parfait éventail de l’atmosphère qui régnait à cette époque. Et quelle époque ! C’est celle du Roi Soleil quand même…

Véronique Fourcaud, qui incarne magistralement la Marquise, nous raconte le contenu de certaines de ces lettres. Elle les rend vivantes, elle les joue en utilisant à toutes les intonations de sa voix. Parlé comme écrit, son style est très riche et sa langue est aussi acérée que sa plume d’oie. La marquise aime à badiner. A la fois en dehors et en dedans de la société, elle porte un regard amusé, souvent même très ironique, sur ses contemporains. Et plus particulièrement sur les pratiques de la cour du Roi… Elle se fait chroniqueuse : mondaine pour nous narrer les mésaventures du cuisinier Vatel, judiciaire pour nous rapporter par le menu la sordide Affaire des Poisons, allant même jusqu’à se métamorphoser devant nous en marquise de Brinvilliers. Elle aime les détails. Son écriture est très imagée… Lorsqu’elle évoque la cour, c’est le who’s’who de la deuxième partie du 17ème siècle qui défile. Elle reconnaît aisément se comporter parfois en courtisane tout en restant lucide sur la vanité (dans les deux sens du mot) de son comportement. L’œil de Véronique Fourcaud est souvent empli de malice.


Elle parle aussi de sujets plus futiles comme la mode, la coiffure, les jeux de salon. Elle chante, elle danse le menuet… Madame de Sévigné est, à sa façon, une ethnologue. Raison pour laquelle, témoin de son époque, sa correspondance contient une véritable valeur historique. Elle a une très haute opinion d’elle-même, ne supporte pas qu’on la brocarde alors qu’elle ne se prive pas d’ironiser sur untel ou unetelle. Elle semble aussi nourrir une profonde aversion pour son « lapin » de gendre, le comte de Grignan, qui la prive douloureusement de sa fille.

Car, sans sa fille, il n’y eût sans doute point eu de correspondance… Ou alors beaucoup moins. La relation de madame de Sévigné avec sa fille est obsessionnelle. Bien qu’elle soit absente – ou plutôt parce que, justement, elle est absente – Françoise est omniprésente dans les pensées de sa mère. D’où, pour compenser, cette navette épistolaire permanente.

Ce spectacle est très agréable à suivre. Et pour la qualité des textes de la dame, et pour la prestation de Véronique Fourcaud et, enfin, pour la variété de sa mise en scène. Il a été en effet extrêmement judicieux d’illustrer les lectures avec des bruits extérieurs, des notes de clavecin, des ébauches de dialogues (avec le Roi, avec Bussy-Rabutin…) et même de nous faire entendre Françoise lisant une de ses lettres. Grâce à ces ruptures de bon aloi et au jeu très complet de la comédienne, Moi, Marie, marquise de Sévigné est un spectacle léger, pétillant et plein de finesse qui nous transporte dans un salon du Grand Siècle et se déguste avec plaisir comme la nouvelle boisson très en vogue à cette époque : le chocolat.

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