lundi 18 avril 2016

Emji "Folies douces"

Polydor / Universal Music


Sincèrement, il y a belle lurette que, personnellement, je n’avais pas oui un album aussi intégralement abouti. Les Folies douces d’Emji m’ont emballé, séduit, transporté, conquis. C’est un album qui possède un réel univers, une identité affirmée, une cohérence et une homogénéité rares.
Je sais, je suis dans les superlatifs, mais cet opus les mérite amplement. Peut-être certaines personnes passeront-elles à côté de cette œuvre magistrale, mais il suffit que l’on s’attarde un peu dessus pour tomber sous son charme envoûtant. Folies douces est un album dont on écoute les mélodies, dont on savoure les arrangements, dont on succombe au climat et dont il faut lire les textes. Quant à la voix d’Emji, elle est tout simplement étonnante. Avec une maîtrise parfaite de son organe, elle traduit remarquablement les ambiances et les intentions des paroles. C’est fin, intelligent et totalement personnel. Il faut également donner une mention spéciale aux deux réalisateurs, Mathias Malzieu (de Dionysos) et Olivier Daviaud. Quel raffinement, quelle esthétique !
Personnellement, j’ai dégusté là un cocktail, que dis-je, un élixir dans lequel j’ai reconnu certaines saveurs : un quart de Mylène Farmer, un quart de Queen, un quart des Sparks et un dernier quart qui relève le tout… Emji, bien sûr.
Dans cette pure merveille, chacun des titres vous comble d’aise les trompes d’Eustache. Même s’il y en a au moins quatre qui sont encore plus éblouissantes (dans l’ordre d’apparition : Dame Love, Lost, Dur dur et La Belle au Bois de l’Eveil) chaque chanson est un petit bijou. Un petit mot sur chacune d’entre elles :


1/ Dame Love. Carrément symphonique. Cordes somptueuses prédominantes. Ambiance 18ème siècle (ça m’a fait penser à Barry Lyndon). Aérien et scandé.
2/ Pas à pas. Surprenant et provocant. Frôle le lyrique. Léger, refrain primesautier. Climat « mozartien »… Tout cela au service d’une fine analyse d’un amour qui meurt.
3/ Lost. Superbe refrain en anglais. Texte quasi ésotérique. Ecriture soignée avec recherche de mots qui sonnent. Chœurs judicieux. Montée en symphonie façon Queen. Une splendeur !
4/ L’oiseau vert. Plus tonique, sautillante. « Folie douce » autant dans le texte que dans l’atmosphère musicale. Joli jeu avec les chœurs.
5/ Dur dur. Chanson sur l’étouffement sentimental. Un sujet rarement évoqué, surtout par une jeune femme. Chant de libération, dynamique et positif. Mts volontairement « durs, durs » pour celui à qui ils sont adressés. C’est bien envoyé. Là aussi utilisation efficace des chœurs… Un tube !
7/ Embrasse-moi. Un bien beau piano accompagne cette autopsie du désir. Refrain en forme de supplique langoureuse. Exigence dans les couplets. Jolies métaphores autour de l’appétit et des plaisirs de la table. Finalement, ce n’est qu’une question de bouche… Fin (faim ?) littéralement orgasmique.
8/ Désaccordée. Lyrique et aérien. Seul titre, à mon goût, où l’on écoute plus les sonorités des mots que leur sens.
9/ Picasso. Idée magistrale de l’auteure, Elodie Frégé, que cette métaphore entre un état d’âme amoureux d’une fille paumée et un tableau déstructuré de Picasso. Remarquablement écrit.
11/ C’est si doux. Ecriture très féminine pour décrire l’état de dépendance à l’autre. Relation violente. Montée en puissance. Sentiments autopsiés au scalpel. Soumission et révolte à la fois. Surprenant !
12/ Jules. Quelque part, c’est un peu la suite de Embrasse-moi. Joli jeux avec les mots, beau travail sur les sons, début malin des phrases avec la syllabe « con ». Habile et étonnant. Confirmation de la très belle plume d’Elodie Frégé.
13/ Féline en été. De la poésie pure. Musique éthérée. Echos. On est comme dans un film illustrant le combat entre deux fauves à la conquête d’un mâle. Quelle ambiance !
14/ La belle au bois de l’éveil. D’un romantisme total. Histoire un peu moins idyllique que le conte qui l’a inspirée. Plus réaliste. Princesse désabusée. Voix à la fois puissante et cristalline. Magnifique !


Nul besoin de critiquer le disque 2 (bonus). Il ne sert qu’à confirmer le talent extravagant d’Emji.
Au risque de me répéter et de passer pour un enthousiaste béat, je tiens Folies douces pour un des albums les plus originaux et les plus réussis de ces dernières années. Il y a tout dedans : mystère, onirisme, réalisme cru, mélancolie, épicurisme… mais surtout un raffinement absolu dans un univers qui n’appartient qu’à elle.
Total respect !
D’ailleurs, je vais vous laisser là car j’ai envie de me replonger immédiatement dans les délices acoustiques de ces Folies douces


Gilbert « Critikator » Jouin

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