vendredi 1 mars 2013

Dans le regard de Louise


Théâtre du Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 44
Métro : La Muette / Passy

Une pièce de Georges Dupuis, d’après la vie de Louise Michel
Mise en scène par Yves Pignot
Décors de Georges d’Haëne
Costumes d’Elisabeth de Sauverzac
Avec Bérangère Dautun(Louise Michel) et Georges Dupuis (Le Docteur Pelletier)

L’histoire : 1888. La militante anarchiste Louise Michel reçoit en pleine tête une balle tirée par un déséquilibré. Le projectile n’atteint pas ses fonctions vitales mais elle se fiche dans le temporal gauche. Louise Michel la gardera jusqu’à la fin de sa vie et en éprouvera régulièrement des douleurs intenses. Inquiète, elle fait alors appel au docteur Pelletier, le seul médecin qui accepte de la visiter. Et pour cause : il ignore tout de celle qu’il auscultera ce soir-là…

Mon avis : Le décor est sobre. Eclairé à la bougie, il ressemble à un tableau Vermeer. Nous sommes dans un intérieur modeste, celui qu’occupent Louise Michel et son chat. La célèbre militante anarchiste, l’héroïne de la commune, est alors âgée de 58 ans. Elle reçoit la visite du docteur Pelletier, un médecin qui est venu l’ausculter sans s’être informé de son identité. Quelques mois auparavant, Louise a été blessée à la tête lors d’un attentat et une balle y est restée logée. Comme elle est sujette à de violentes migraines, elle a fait appel à un praticien pour qu’il essaie de la soulager car elle est inopérable…

Très vite, on saisit les deux caractères. Louise Michel est abrupte, très autoritaire. Elle s’enflamme très rapidement. Elle ne fait aucun effort pour se montrer aimable. Le docteur Pelletier apparaît comme un homme intègre, honnête, profondément humain, entièrement voué à sa tâche pour soulager son prochain. Même quand il apprend à qui il a à faire, il la considère d’abord comme une patiente comme les autres, qui plus est démunie et incapable de lui régler ses émoluments.
Mais, au fur et à mesure de ses visites, une relation plus forte commence à s’établir entre eux. Pelletier a beau la traiter d’« exaltée », il ressent une vraie tendresse pour elle. Bien qu’il ne partage pas vraiment ses idées, il admire aussi la femme engagée. Il ira même jusqu’à assister à ses meetings… Quant à elle, cette présence lui apporte du réconfort. Elle a enfin confiance en quelqu’un. Et peu à peu, elle va se comporter avec lui comme sa chatte avec elle, exigeante, exclusive et câline quand elle voit qu’elle est allée trop loin.

La pièce est construite en une succession de tableaux montrant l’évolution de leurs rapports. On assiste à la construction d’une amitié. Ils finissent par s’appeler par leurs prénoms puis à se faire des confidences assez intimes sur leur vie. Louise adore taquiner Henri sur ses amours. Il n’y a entre eux aucune ambiguïté. D’abord en raison de leur différence d’âge (le docteur Pelletier est bien plus jeune), puis de l’homosexualité de Louise (qu’elle lui révèle très vite). Ils sont dans l’admiration réciproque.

Ce sont deux très beaux rôles mettant en scène deux fortes personnalités. Bérengère Dautun joue à ravir sur toutes les nuances d’une palette extrêmement large. Elle restitue tous les traits de caractère d’une femme à la fois crainte et adulée et proche de la soixantaine. C’est une passionnée, une travailleuse acharnée, peaufinant sans relâche ses discours. C’est une guerrière qui a toujours un combat à mener et qui multiplie les projets. Et puis, c’est une femme : elle peut être aussi cassante que compréhensive, tyrannique que mutine, austère que coquette.
En face d’elle, Georges Dupuis, l’auteur de la pièce, apporte une formidable présence. Il est calme, rassurant, investi. C’est un homme bon qui connaît plus de réussite dans son métier que dans ses amours. Pas question pourtant que Louise Michel le manipule ou l’asservisse. Aussi fier que conciliant, il n’est dupe de rien. Et puis, il est également un remarquable pianiste.
Car la musique tient une place non négligeable dans cette pièce. Non seulement, elle nourrit joliment les intermèdes, mais elle permet au docteur Pelletier puis à Louise Michel de se mettre au piano…

Dans le regard de Louise : une belle, très belle histoire d’amitié.

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