jeudi 17 décembre 2009

Brel, de Bruxelles aux Marquises


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Biographie musicale écrite et racontée par Jacques Pessis
Interprétée par Nathalie Lhermitte
Accompagnée à l’accordéon par Aurélien Noël
Mise en scène par Ned Grujic

Ma note : 8/10

L’histoire : De Bruxelles aux Marquises, de 1929 à 1978, Jacques Brel a vécu l’existence qu’il souhaitait, faites de passion, d’émotions, d’amours et d’humour. Préférant l’intensité de l’existence à sa durée, il est allé jusqu’au bout de ses rêves… Jusqu’à en crever. Dans cette biographie musicale, nous vous raconterons le destin hors du commun du « fils d’un marchand de cartons » qui a choisi de devenir « un marchand de chansons ». Pour y parvenir, il a connu le temps des vaches maigres. Il a débuté « longtemps, longtemps » avant de trouver un public à qui il a tout donné, jusqu’à l’épuisement. Pendant quinze ans, il a chanté presque tous les soirs, combattu un trac maladif, fumé 50 cigarettes par jour, traîné jusqu’au petit matin. Quand il a quitté la scène, au sommet de se gloire, c’est pour demeurer un homme libre, pour découvrir d’autres horizons.
Si le destin le lui avait permis, Jacques Brel aurait fêté, en 2009, ses quatre fois vingt ans. Trente ans après sa disparition, son âme demeure présente et ses couplets touchent plus que jamais le cœur des nouvelles générations.

Mon avis : Après le remarquable spectacle autour de la vie de Piaf, Une vie en rose et noir, le trio Pessis-Lhermitte-Noël, revisite la vie et l’œuvre d’un autre géant de la chanson : Jacques Brel. Mais rendus plus forts et plus expérimentés par le spectacle précédent, ils franchissent un nouveau palier en nous présentant une histoire encore plus et mieux scénarisée. C’est dire le plaisir que l’on y prend.
Après qu’une voix off nous ait gentiment souhaité « un bon voyage », Nathalie Lhermitte, vêtue d’un imper clair, débarque à Bruxelles et, d’emblée, sans crier "gare", elle nous chante… Bruxelles. Et, d’emblée, on est scotché par cette voix si mélodieuse, par sa façon de moduler, de nuancer. Tant de facilité, tant d’aisance, c’est énervant… Quelle interprète !
L’idée de scénariser ce spectacle lui apporte un surcroît de rythme et de fantaisie. Jacques Pessis y reprend certes sa fonction de conteur, mais en endossant cette fois un rôle, celui d’une sorte de directeur des ressources humaines, passionné par Brel, et qui est ravi de communiquer cette passion à cette jeune stagiaire. Aurélien Noël quant à lui se partage entre son accordéon et ses responsabilités d’archiviste. Ces jeux de rôles, ces jeux drôles, donnent donc plus de vie à cette biographie musicale.
Jacques Pessis, qui a pris énormément d’assurance, illustre ses propos d’un nombre considérable d’anecdotes, certaines nous sont connues, d’autres beaucoup moins. Il se fend même d’une imitation (eh oui) tout-à-fait convaincante du sieur Philippe Bouvard en reproduisant les propos qu’il avait tenus à l’occasion d’un tour de chant de Jacques Brel. Il brosse également le tableau de l’époque, évoque l’avènement des yé-yés, lit une lettre de Brel…

En tout, Nathalie Lhermitte, dont il faut souligner la perfection de la diction, interprète une quinzaine des plus grand titres du répertoire brélien dans un ordre quasi chronologique. Après Bruxelles, elle nous offre une version aussi puissante qu’intelligente de La Quête dans laquelle elle use à ravir de son superbe vibrato. Elle s’autorise quelques morceaux de bravoure comme La Valse à mille temps. Elle joue remarquablement la comédie avec une interprétation très facétieuse des Bonbons (là, elle met le paquet !), s’amuse avec sa voix, prenant tout à tour un ton grave d’une veille dame ou celui pointu d’une jeune fille en campant Les Flamandes, adresse un clin d’œil au spectacle précédent en incarnant un bref instant.Edith Piaf… Lorsqu’elle termine Ne me quitte pas, le public est tellement subjugué, qu’un long silence inattendu s’installe avant que les applaudissements n’explosent. C’est vraiment troublant.

On se demandait quelle allure auraient les chansons si personnelles, si identifiées de Jacques Brel, interprétées par une voix féminine. Le pari était tout de même osé. Et bien, c’est sans doute bien meilleur que si c’était un chanteur masculin qui s’y était collé. Nathalie Lhermitte y apporte une lecture nouvelle. Sans jamais dénaturer le propos, elle compense l’extraordinaire vigueur, la puissance du Grand Jacques, par plus d’émotivité et de sensibilité. On ne peut pas chanter Brel avec retenue, il faut y aller bille en tête, avec le cœur, avec les tripes. Et là, Nathalie n’a rien à craindre. Elle est totalement dans l’esprit du créateur. Grâce à elle, à la bonhommie et à l’érudition de Jacques Pessis, et à ce virtuose du piano à bretelles qu’est Aurélien Noêl, on redécouvre Brel. Et quand on sort du théâtre Déjazet, la tête emplie de Vesoul ou d’Amsterdam, on n’a qu’une hâte, se replonger dans sa discographie pour s’y repaître de sa substantifique moelle.
Merci m'sieurs-dame, vous nous offrez là un beau, un grand moment de music-hall...

1 commentaire:

murielle.beaujean a dit…

MERCI ET BRAVO POUR CET ELOGE BIEN MERITE -