jeudi 26 février 2009

Nathalie


Théâtre Marigny
Salle Popesco
Carré Marigny
75008 Paris
Tel : 01 53 96 70 20
Métro : Champs-Elysées Clémenceau

Une pièce de Philippe Blasband
Mise en scène par Christophe Lidon
Avec Maruschka Detmers (Sonia), Virginie Efira (Nancy/Nathalie)

Ma note : 7/10

L'histoire : Sonia, une cantatrice en instance de divorce, recrute une prostituée, Nancy.
Le contrat est simple : en échange d'une grosse somme d'argent, Nancy, rebaptisée Nathalie Ribout, doit séduire son ex-mari, Jean-Luc, entretenir avec lui une relation pendant un mois, et tenir Sonia au courant de tous leurs faits et gestes dans le moindre détail...

Mon avis : Le décor, très clair et relativement succinct, ne sert en fait que de cadre aux rendez-vous successifs que vont avoir Sonia et Nancy, les deux protagonistes de cette histoire. Car, après tout, c'est tout ce qui compte. Au moins notre attention n'est-elle pas dispersée et l'on peut à loisir se concentrer sur l'évolution des relations entre les deux femmes et se prendre au jeu d'essayer de deviner comment cette machination va bien pouvoir se terminer...
Le choix de Maruschka Detmers et de Virginie Efira est absolument parfait. Si l'on pouvait émettre quelques doutes en amont sur la présence de l'animatrice de Canal+ - pas si néophyte que cela en la matière puisqu'elle avait déjà foulé les planches en Belgique (La chatte sur un toit brûlant, entre autres) - les appréhensions ont été bien vite levées. Le contraste entre les deux femmes permet une lecture limpide. Sonia est brune, plus mûre, élégante, raffinée, cultivée, socialement installée, elle possède un timbre grave du plus troublant effet. Nancy est blonde, jeune, moderne, primesautière, ses habits de "travail" l'obligent à être provocante, elle n'est pas encombrée par la culture mais elle est pleine de bon sens, et elle possède une voix légère et flûtée... Physiquement, culturellement et socialement, elles sont donc aux antipodes l'une de l'autre. Mais, à elles deux, elles sont pratiquement toutes les femmes !

Maintenant, il y a ce fameux contrat qui les lie... Moyennant un joli petit pactocle, Nancy, devenue pour les besoins de la cause "Nathalie Ribout", va devoir séduire le futur ex-mari de Sonia. Celle-ci, après lui avoir donné toutes les clés pour le faire craquer, exige d'elle des compte-rendus très détaillés de leur relation ; y compris de leurs débats amoureux. Le fait que Nancy soit une professionnelle de l'amour, simplifie la chose car elle ne s'embarrasse pas de fioritures pour les descriptions. Pour elle, tout cela c'est de la routine. Evidemment, elle appelle un chat un chat. Oreilles chastes, s'abstenir. Mais jamais on ne tombe dans la vulgarité. De toute façon, cette abondance de détails est absolument nécessaire pour faire avancer l'action et aussi pour que Sonia, prise à son propre piège, en souffre...

Je n'en dirai pas plus. La construction de cette pièce est un habile mécano. Même si, par la volonté de l'auteur, on ne comprend pas toujours où l'on veut nous emmener, on s'attache à ces deux femmes. Chacune est aimable". On n'a pas envie que ça termine mal pour elles. Dans ce raccourci de vie, dans cette parenthèse d'un mois, nous avons tout un concentré de sentiments. On est intrigué, on rit, on est choqué, on est ému.
Maruschka Detmers joue plus dans la nuance. C'est son personnage qui le veut. Elle doit se montrer à la fois autoritaire (c'est elle qui dirige les débuts et les débats) et retenue (c'est son éducation doublée de sa frustration de femme qui l'exigent). Elle pratique un peu la pêche au gros avec Nathalie pour appât. Parfois, il faut laisser filer la ligne, parfois il faut ferrer. C'est avec cette stratégie que le gros poisson, Jean-Luc, mordra à l'hameçon. Au fur et à mesure que la pièce avance, on suit le cheminement de ses sentiments. Et elle joue réellement bien cette évolution. Jusqu'à cet impressionnant monologue où elle exhale soudain toute sa douleur..
Virginie Efira - la grande révélation de ce two-women show - a hérité avec ce personnage d'un rôle à prendre avec des pincettes. Elle campe une Nancy confondante de naturel, consciente de ses lacunes et du désastre qu'est sa vie, mais avec une luminosité réjouissante. Elle se dit résignée, mais elle n'est pas encore vaincue. C'est vraiment une brave fille. Le marché que lui propose Sonia constituera-t-il sa rédemption ? Il faut saluer la finesse de son jeu quand elle relate ses sensations selon qu'elle les vit en Nancy ou en Nathalie. Ce dédoublement n'est possible que par le biais d'une écriture véritablement ciselée. Virginie est tout le temps crédible. Et quelle émotion elle dégage dans cette scène où elle raconte sa famille inventée (inventée ?) !

Pour savoir comment ce psychodrame se termine, il n'y a qu'une chose à faire : aller au théâtre Marigny. Vous y passerez un bien joli moment de comédie pure, avec deux bien charmantes dames, et avec une histoire qui nous embarque bien.

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