lundi 10 septembre 2007

L'un dans l'autre


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité/Blanche/Saint-Lazare

Une pièce de Marc Fayet
Mise en scène par José Paul et Stéphane Cottin
Avec Evelyne Dandry (Annie), Marc Fayet (Stéphane), Thierry Heckendorn (Pierre), Gérard Loussine (Franck-Olivier), Lisa Martino (Juliette)

Ma note : 7/10

L'histoire : Dans un appartement d'une résidence tranquille, un jeune homme reçoit une jeune femme. Lui, c'est Stéphane ; elle, c'est Juliette. Visiblement, ils en sont au tout début d'une relation amoureuse...
Dans ce même appartement, six mois plus tôt, Pierre, le père de Stéphane, a invité Annie, un amour de jeunesse.
Alternativement, dans ce même lieu, les deux couples vont tenter de se former. Ils vont se confier, beaucoup parler, trop peut-être car les élans du début vont peu à peu faire place à des hésitations.
Et, à chaque fois, avec la même insistance maladroite, Franck-Olivier, le voisin de toujours, personnage envahissant et pathétique, trouble leur tête-à-tête pour les inviter à célébrer chez lui, comme tous les ans, la fête du solstice. Solstice d'été pour les uns, solstice d'hiver pour les autres. Or, c'est à travers son verbiage incessant que nous allons en apprendre beaucoup plus sur l'histoire de la famille de Pierre et de Stéphane...

Mon avis : Que voici une bien jolie pièce ! Fine, intelligente, distrayante, émouvante... Humaine, quoi. Car, quel que soit notre âge, notre sexe, notre condition, on se sent profondément interpellé dans ce que nous avons de plus intime par les thémes développés sur scène.
Dans cette pièce où les sentiments et les relations sont prédominants, le décor importe peu. Il est effectivement rare de trouver plus succinct : un guéridon, deux fauteuils, un buffet, et c'est tout. En fait, ce sont les portes qui sont essentielles. La porte palière d'abord, qui s'ouvrira à chaque fois que le voisin Franck-Olivier se manifestera, et les deux portes menant aux différentes pièces de l'appartement par lesquelles disparaîtront ou apparaîtront tour à tour les deux couples.
Bien que baptisée (à juste titre) L'un dans l'autre, cette pièce de Marc Fayet, est parfaitement parallèle et symétrique. Ce n'est que progressivement que l'on comprend pourquoi elle s'appelle ainsi.
C'est donc l'histoire de deux hommes et de deux femmes. Les deux hommes sont père et fils. Les deux femmes sont amenées à devenir - si tout se passe bien - des maîtresses putatives. La première scène réunit Stéphane, le fils, et Juliette. Touchant de maladresse, il se retranche dans une espèce de mythomanie balourde qui n'abuse personne. Elle, fine mouche, mais mal à l'aise, elle reste sur la réserve, un peu froide et distante, complètement lucide et, paradoxalement, versatile. Garçon lunaire, Stéphane est un vrai gentil. Qu'est-ce qu'il rame pour la faire fléchir ! Mais pourquoi a-t-elle accepté son invitation si c'est pour le faire ainsi tourner en bourrique ? C'est là un des noeuds de la pièce. Et il faut saluer le jeu tout en subtilité et nuances de Lisa Martino car on n'a qu'à la fin les explications de ses atermoiements.
L'autre couple, qui entre ensuite en scène, est composé de Pierre, le père de Stéphane et d'Annie, un amour de jeunesse que, devenu veuf, il a voulu retrouver. Et là se déroule une première astuce d'écriture puisqu'on s'aperçoit très vite que les façons de parler et les attitudes du père et du fils sont parfaitement similaires. Un aspect répétitif qui amène, évidemment, une certaine complicité avec le public. Là aussi l'homme est touchant de gaucherie. Et, là aussi, la femme, sensible et clairvoyante, a une conduite bien plus pragmatique.
Ces deux histoires parallèles qui se déroulent à six mois d'intervalle, sont habilement brisées par les irruptions intempestives de l'ineffable Franck-Olivier, le voisin de trente ans, qui s'obstine à vouloir les inviter l'un et l'autre à ses lamentables fêtes du solstice. C'est par lui que les informations nous seront livrées.
L'humour - on rit beaucoup - se dresse là tel un paravent pour nous dissimuler les choses sérieuses et graves. Chez les hommes, la pudeur est palpable, les non-dits encombrants. On fait comme si tout allait bien. L'affection est là, mais elle se dilue dans les bons mots et se distend dans les faux semblants. Et nous, dans la salle, on ressent les liens qui unissent ces deux hommes sans se les avouer. On comprend parce que, la plupart d'entre nous, on a ou on a eu les mêmes types de relations avec nos parents ou avec nos enfants. Ce qui est criant, c'est de voir que les enfants grandissent pendant que leurs parents vieillissent sans faire vraiment l'effort de se connaître les uns et les autres en profondeur. Et ce n'est que vers la fin du parcours des plus anciens, quand les rejetons sont devenus à leur tour des adultes, que les langues commencent à se délier.
Les dialogues sont excellents, précis, justes. Il y a quelques phrases dont la profondeur attise vraiment la réflexion. Et, à moins d'être totalement insensible, l'ultime scène entre le père et le fils nous amène au coin des yeux ces délicieux picotements que seule une belle et noble émotion peut engendrer.
Même si les hommes ont les plus beaux rôles, les cinq acteurs qui font vivre cette jolie pièce sont impeccables, chacun dans son registre. Allez voir L'un dans l'autre. On passe au Petit Théâtre de Paris un joli moment privilégié de partage. Et on en sort avec la ferme intention de se montrer plus attentif avec les siens... C'est là aussi une des missions du théâtre : celle de nous divertir, de nous amuser, tout en nous distillant habilement de belles et positives leçons de comportement et d'humanité.

Aucun commentaire: