vendredi 25 mai 2007

La Cellule de Zarkane


Auteur : Joseph Lubsky
Genre : thriller
Editions : Florent Massot

L'histoire : Aux assises, un homme écope de vingt-deux ans de prison pour le meurtre d'une mère et de sa fille. Zarkane, l'oeil noir et sec, contemple, sans le moindre signe d'émotion, ceux qui viennent de le condamner.
Une descente aux enfers qui va l'amener à dérouler le fil de sa vie. Une vie qui débute dans une caravanr d'un camp gitan du Sud de la France, puis dans une famille d'adoption, avant que Fernand, le parrain de la Côte d'Azur, ne décide de le prendre sous son aile pour en faire un caïd et un homme riche...

Le petit bonhomme en tôle
Mon avis : Bon, il est inutile de se la jouer mystérieux car, hélas, le secret a été éventé bien trop prématurément : sous le pseudonyme de Joseph Lubsky se cache en fait Patrick Sébastien. Il s'était présenté chauve, nanti de lentilles qui lui faisaient l'oeil sombre, la démarche mal assurée, la voix hésitante, l'accent chantant, sur le plateau de Laurent Ruquier pour faire la promo de son bouquin. Même Shirley et Dino, qui le pratiquent depuis de longs mois, n'y ont vu que du feu. Je dois avouer que je l'avais vite reconnu, ma femme en est témoin. Il est bien regrettable que la presse ait divulgué la supercherie car il eût été passionnant de voir la réaction des critiques face à cet ouvrage signé d'un inconnu. Le fait qu'ils soient informés qu'ils avaient en réalité affaire à Patrick Sébastien ne pouvait qu'influencer, voire fausser leur jugement.

Le polar est mon livre de transports. C'est, avec le Parisien, ma seule lecture dans le métro. J'aime énormément ce genre de littérature. C'est donc avec une certaine circonspection que je me suis faufilé dans La Cellule de Zarkane. Même si j'ai pensé tout du long à son auteur, je me suis passionné pour cette destinée hors du commun, pour cette trajectoire violente et lyrique et pour ce personnage attachant malgré ses exactions. C'est qu'il s'en passe des choses ! Des choses auxquelles on ne peut pas s'attendre. Ce bouquin, riche en rebondissements, est fort, âpre, prenant. Lorsqu'on le referme, on reste pensif un long moment. On ne sort pas épargné de ce voyage en compagnie de Kéma/Zarkane, mi-ange, mi-démon, et tellement humain.
Ce livre est tout entier rempli des grands thèmes chers au Patrick Sébastien secret. Chez lui, Eros, l'amour, est toujours étroitement lié à Thanatos, la mort. On y retrouve son attirance pour le suicide, sa fascination pour la folie, son goût pour l'auto-châtiment et, par extension, pour l'autodestruction ; et son obsédante recherche du père... Mais on y retrouve aussi sa profonde tolérance, son sens aigu du pardon et, surtout - même s'il ne s'aime pas toujours lui-même - son amour des autres, particulièrement des braves gens. Et sa tendre empathie pour les femmes. Patrick entretient un sens un peu désuet des valeurs et un authentique code de l'honneur. Malgré les vacheries qu'elle lui a faites, il aime charnellement cette garce de vie. Malgré aussi son constat péremptoire sur ses congénères : "Les hommes sont monstrueux. Superbement ou misérablement"...
Et puis il y a sa passion pour le verbe, pour les mots. On lui refusera sans doute le statut d'écrivain, mais quel auteur et quel conteur il est ! Parfois,, au détour de la description d'un paysage, de la relation d'une ambiance, je pensais à Jean-Claude Izzo... Patrick est toutefois légèrement moins désanchanté, moins résigné. Le vernis de gaîté dont il s'est enduit le coeur le pousse gentiment vers les happy end.
En conclusion, La Cellule de Zarkane est un livre fort, au style vif et précis qui, en dépit de son titre, apporte une réelle évasion. C'est aussi un livre qui donne beaucoup à réfléchir. Chapeau Patrick. Un authentique romancier est né. Zarkane mérite d'avoir d'autres petits.
Et quel film cela pourrait donner. A ce propos, je ne sais pas s'ils se connaissent, mais ce serait bien que Patrick rencontre Olivier Marchal. Ces deux gaillards ont dans le coeur les mêmes fêlures, les mêmes zones d'ombres et de désespérance paradoxalement éclairées par une sorte de foi en l'homme aussi incongrue qu'authentique. Zarkane, c'est un peu de ces deux-là.

2 commentaires:

Grall hubert a dit…

Moi aussi j'avais vu Lubsky présenter son bouquin chez Ruquier, sans le reconnaître. Ancien taulard moi-même, le bonhomme m'avait paru bizarre dans son comportement et sa façon de parler, il ne me paraissait pas authentique. Sans que je puisse dire exactement pourquoi.
J'ai bien apprécié son livre même une fois la supercherie dévoilée et malgré la description de sa curieuse prison qui ne ressemble en rien à la vraie! Je partage votre analyse sur l'histoire et la poésie qui s'en dégage. Si c'est Sébastien qui l'a écrit, il a du talent.
J'ai raconté mes aventures, vraies celles-là dans "J'ai tutoyé des assassins" qui sortira le 28 mars aux Editions L'Iroli.

Grall hubert a dit…

Moi aussi j'avais vu Lubsky présenter son livre chez Ruquier. Je ne l'ai pas reconnu mais, ancien détenu moi même, je trouvais bizarres son langage et sa façon de se comporter. Comme taulard il sonnait faux, sans que je puisse déterminer pourquoi. Ceci dit, j'ai bien aimé son bouquin, même après la révélation de la supercherie.
J'ai raconté mes aventures dans "J'ai tutoyé des assassins" aux éditions L'Iroli. Il sera disponible le 28 mars.